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Absence d’état des risques de moins de six mois annexé : la résolution du contrat est-elle inéluctable ?

Posté par Julien le 10 février 2024
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ll semblait acquis, en application de l’article L.125-5 V du code de l’environnement, que dès lors que le locataire ou l’acquéreur en faisait la demande, le défaut d’état des risques de moins de six mois annexé au contrat (de vente, comme de location), devait être systématiquement sanctionné soit par la résolution du contrat, soit par la diminution du prix (loyer ou prix de vente), sanctions prévues par le texte.
Dans la présente affaire, rendue à l’occasion d’un litige opposant un bailleur à son preneur commerçant, la Cour de cassation en a jugé autrement, de façon inédite (solution transposable au bail d’habitation et à la vente d’immeuble).

Au fur et à mesure des évolutions législatives successives, l’état des risques et pollutions (ERP), qui a connu plusieurs appellations, a vu son contenu élargi – extension à l’information relative au radon, puis aux secteurs d’information sur les sols, et dernièrement au recul du trait de côte, puis à compter du 1er janvier 2025 aux obligations de débroussaillement ou de maintien en état débroussaillé – et a, de ce fait, pris une importance singulière lors des opérations immobilières, qu’il s’agisse des baux (baux d’habitation ou commerciaux) ou des ventes. Rappelons qu’en France, les deux tiers des communes sont exposés à au moins un risque naturel (le principal étant le risque d’inondation).

Cet état doit d’ailleurs, depuis le 1er janvier 2023, être remis au candidat acquéreur ou locataire dès la 1ère visite du bien, une mention spécifique relative aux risques auxquels celui-ci est susceptible d’être exposé, avec renvoi vers le site Géorisques, devant, en outre, être indiqué dans les annonces.

Une SCI avait donné des locaux à bail commercial à une autre société en mai 2012, avec effet au 1er juin de la même année, en y joignant en état des risques naturels et technologiques datant du 2 octobre 2009. La locataire, placée par la suite en liquidation judiciaire, avait renoncé à cette location et n’avait pas pris possession des lieux, sans que les parties parviennent à un accord.

La bailleresse ayant demandé sa condamnation à lui verser les loyers et charges impayées à compter de la prise d’effet du bail, elle a sollicité la résolution du bail aux torts de celle-ci et le paiement de dommages-intérêts.

La cour d’appel de Paris (2 février 2022), statuant sur renvoi après cassation, a ordonné la résolution du bail aux torts de la bailleresse avec restitution du dépôt de garantie, considérant à nouveau que le manquement à cette obligation légale d’information autorise la locataire à poursuivre la résolution du contrat sans avoir à justifier d’un quelconque préjudice.

La Cour de cassation(1), au seul visa de l’article 1184 du Code civil (dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats), casse et annule l’arrêt d’appel et renvoie les parties devant cette même cour, autrement composée.

Elle reproche aux juges du fond de ne pas avoir recherché si le manquement imputé à la bailleresse était d’une gravité suffisante, dans les circonstances de l’espèce, pour justifier la résiliation du bail.

Ce faisant, la Haute cour soumet, en conséquence, l’action prévue par l’article L. 125-5 précité au régime général de la résiliation judiciaire du Code civil : si l’absence totale d’ERP doit pouvoir être sanctionnée, telle ne doit pas nécessairement être le cas de l’absence d’ERP de moins de six mois, par exemple si celui annexé au contrat (datant de plus six mois, comme en l’espèce) s’avérait être identique à celui qui aurait dû être légalement établi (de moins de six mois) …

A NOTER :

Relevons que la réforme susvisée de 2016 ne devrait pas aboutir à une analyse différente, l’article 1224 du même code en vigueur, hormis l’hypothèse de la stipulation d’une clause résolutoire dans le contrat, ce qui serait parfaitement licite sur le plan conventionnel, conditionnant la résolution (ou résiliation, pour les contrats à exécution successive, tel le bail) à l’existence d’une « inexécution suffisamment grave » de la part du débiteur, qu’elle résulte d’une notification du créancier (la charge de la preuve lui incombant, en cas de contestation du débiteur) ou d’une décision de justice.

Reste à savoir, alors que la jurisprudence des juridictions du fond n’est à ce jour pas homogène sur la question, si la 1ère chambre civile de la Cour suprême adopterait le même raisonnement pragmatique, si elle venait à être saisie, par référence à une sorte « d’ordre public climatique » de direction et à l’adage « Specialia generalibus derogant ».

Pour l’heure, mieux vaut rester prudent et appliquer la loi à la lettre…

Ressources associées

(1) Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 21 septembre 2023, 22-15.850, Inédit

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